Obscidience
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Et dans un soupçon de vent et de délice ..la feuille morte s'échoua
 
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 Répétition

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Victor Moreau
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MessageSujet: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Jeu 20 Juil - 0:42

L'Opéra. Voilà bien un concept dont la survie surprenait Victor au plus haut point. Des êtres humains qui en ravissaient d'autres par le biais d'instruments de bois, de corde, de cuivre, ou même de chair en ce qui concernait les chanteurs. C'était d'une beauté si franche et indéniable en cette société en tout point artificielle... Comment la tirade de Don Giovanni pouvait-elle survivre dans un univers de produits lyophilisés et de journaux holographique? Bah, le plus important était qu'elle survive, n'est-ce pas? Un diamant ne perd pas de sa valeur lorsqu'on le transfère de son écrin de velours à une triste boîte en plastique. Il brille peut-être avec un peu moins d'éclat, voilà tout.

Vautré dans les derniers rangs du parterre désert, Victor feuilletait attentivement le livret qu'il avait trouvé à la réception. La Flûte Enchantée. En parlant de Mozart... Le Passeur avait toujours regretté d'avoir compris trop tard l'immense potentiel de son pouvoir. S'il s'était réveillé plus tôt, il aurait fait le voyage jusqu'à Vienne pour rencontrer ce flamboyant compositeur. Mais le temps qu'il réalise les possibilités que des corps toujours différents lui offraient, le mirifique Wolfang s'était brûlé les ailes dans son propre génie. Regrettable.


"Mais qu'est-ce que vous faites ici?!"

Alors que Victor se demandait s'il aurait offert l'immortalité à Mozart en lui parlant du passage, une voix destabilisée l'interrompit dans sa réflexion. Le metteur en scène, qui venait d'émerger des coulisses pour assister à la répétition depuis la salle. Le Passeur daigna se tourner vers lui et l'observa avec le désintérêt surpris de l'aristocrate qui découvre une abeille sur son revers. L'homme était débraillé, les cheveux en bataille comme s'il venait de sauter à bas de son lit. L'étincelle de folie qui animait son regard plut au vieil esprit de Victor, qui accepta d'accorder quelques paroles à la juvénile âme qui râlait à côté de lui:

"J'ai entendu parler de votre travail, M. Durrenach, et je suis venu tromper mon ennui en ces lieux avec le vague espoir de passer un moment agréable."

Il actionna négligemment le bracelet d'identité qu'il portait à son poignet gauche, et son visage en trois dimensions apparut dans un rayon de lumière bleuté. Le metteur en scène fronça les sourcils, avant d'écarquiller soudainement les yeux. Il venait de lire le nom qui jouxtait le portrait, et le regard qu'il posait soudain sur Victor était autrement moins hostile que précédemment.

"Mon... monsieur le Ministre, je m'excuse, je... je ne savais pas..."

"C'est bon, ne vous inquiétez pas pour vos subventions, vous ne m'avez vexé en rien."

Petit sourire politiquement correct, avant de se renfoncer dans son fauteuil.

"Je serai plus transparent qu'un air de flûte, monsieur Durrenach. Procédez, je vous en prie..."


[je m'excuse, mais je ne suis pas en inspiration ^^"]


Dernière édition par le Jeu 20 Juil - 12:11, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Jeu 20 Juil - 5:17

Il était pris! Oui, il incarnerait Tamino dans peu de temps... quelle joie! Quel bonheur! Même la part d'ombre de sa mère qui donnait une teinte de tristesse à cet éclatant tableau ne ternissait en rien l'excitation croissante à l'approche du concert. Déjà la générale, après un nombre conséquent de semaines de travail. Dans les coulisses, un tourbillon multicolores de vocalises, de costumes, d'arias faisait fureur autour du jeune homme. Fini les seconds rôles de personnages peu importants. Bientôt ce serait lui qui serait à l'honneur, sur le devant de la scène, chantant de toute son âme, de tout son coeur son amour la belle Pamina, surmontant les épreuves pour conquérir sa main et enfin marcher ensembles sur le chemin mouvementé de la vie. Il avait tellement lu et relu des contes de fées, des écrits de grands auteurs et poètes romantiques qu'une idée de ce sentiment inspiré par Eros avait vu le jour dans l'esprit labyrinthique du magicien.

Oh, bien sûr, la mélancolie le prenait parfois lorsqu'il voyait des amoureux se ballader sous un ciel étoilé, se murmurant des mots doux et des secrets sous le couvert des arbres qui cachaient leurs baisers. Ce muscle qui pulsait sous son sein se serrait parfois en se souvenant qu'il n'avait jamais connu personne: quel saveur a donc un baiser? Quelle sensation éprouve-t-on lorsque nos lèvres en rencontrent d'autres? Mais surtout, qu'était ce mystérieux sentiment qui faisait naître aussi bien des mariages que des guerres, qui rendait fou les plus sages, rendait les vantards soudainement plus timide ou plaçait des paroles agréables chez un individu aussi aimable qu'une porte de prison. Les flèches de Cupidon avait un pouvoir commun à bien des dieux: la métamorphose. Mais celle-ci s'effectuait à l'intérieur, dans le secret d'une rythmique pulsation d'un muscle auquel on attribuait tant d'émotions.

Oui, Rosario était hanté par ces questions qui ne voulaient pas le lâcher alors qu'il avait des choses si importantes à faire... Il fallait qu'il ramène Eliane, qu'il devienne un grand magicien et un grand chanteur, et ensuite... ensuite peut-être quelqu'un viendrait... Pourquoi pas avant tant d'années? A vrai dire, il n'y avait pas de raison, mais le sieur Lunargent imaginait mal pouvoir consacrer beaucoup de temps à une autre personne avec tous ses projets, et ajouter en plus ceux inhérents à tout couple. Mais pour le moment seule régnait son envie de bondir sur la scène, se muer en prince de la nuit et exister au travers d'un personnage. Se remémorant les indications du metteur en scène, vérifiant que sa tenue soyeuse soit bien en place, il attendait que les acteurs faisant bouger le dragon soient fins prêts tandis que l'orchestre débutait L'Ouverture de l'opéra. Et quand vint le moment, le jeune chanteur pénétra sur la scène, faisant mine d'être poursuivi par le monstrueux serpent, et alors l'histoire commença à se dérouler sous les yeux d'un spectateur insoupçonné, seul Mr Durrenach au courant de sa présence.

La générale, c'est presque comme la première, et le garçon était déjà tellement ému à l'idée que les fauteils vides plongés dans le noir seraient occupés dans deux jours, pour le début des représentations... Ainsi que tous ses collègues, il mettait toute son énergie dans cette ultime répétition, afin qu'un spectacle idéal fut révélé aux yeux d'un public ébahi. Et en dehors de quelques interruptions du metteur en scène, la séance se déroula de façon quasi-continue. C'est seulement au retour des lumières que les artistes découvrirent, non sans surprise, qu'un homme avait assisté à leurs derniers tatônnements et entendu leurs voix se libérer alors que personne n'était invité. C'était peut-être un critique? A cette pensée, Rosario blêmit légèrement, espérant avoir montré au mieux ce dont il était capable vocalement. Si seulement il s'y était attendu... vous me direz, cela n'aurait rien changé, et il aurait au contraire été peut-être trop stressé et moins convaincant dans son interprétation. Le tout était de voir à présent la réaction de l'étranger...


[Dîtes moi si le fait que votre personnage regarde l'opéra en entier sans intervenir vous ennuie..; auquel cas j'éditerais et ferais une pause au premier acte^^]
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Victor Moreau
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Jeu 20 Juil - 13:14

[Cela ne m'ennuie nullement: Victor est d'un naturel patient ^^]


Que d'énergie, que de virtuosité déployées dans le simple espoir de contenter ses pairs. Indescriptible saveur de l'Art, incontestable grandeur de l'Inutile. Dissimulé dans l'ombre sous le premier balcon, invisible et attentif, Victor ne cessait de s'étonner que l'humanité fût capable d'un tel désintéressement. Les artistes... des créatures aussi étranges et controversées que les militaires ou les politiciens. Trois corps de métiers, trois visions du monde, trois conceptions de la formule "être utile à mon prochain". Le plus ironique étant certainement qu'aucun de ces trois types de mortels n'aimait être comparé aux deux autres; pourquoi? Persone n'avait-il donc songé que le problème se résumait au fait que l'utilité n'avait pas une, mais plusieurs définitions?

Dragon, fées et donjons... Qu'est-ce qui avait obligé le génial compositeur à retranscrire pour ses pairs ce que seuls ses propres sens percevaient? Il aurait pu garder cet opéra pour lui, après tout. Pourquoi le faire jouer par d'autres, pourquoi accepter qu'un metteur en scène, des décorateurs, des costumières, des chanteurs, des musiciens interprêtent son oeuvre? Certainement pour la reconnaissance, oui. En grande partie. Mais Victor était convaincu que cette envie puérile qui animait tous les créateurs ("regardez ce que je sais faire, regardez!") provenait d'un sentiment à la fois bien plus simple et bien plus noble: les artistes de génie découvrent le Sublime, et éblouis par leur joyau, ils ne peuvent tout simplement pas s'empêcher d'en offrir une parcelle à ceux qui sont restés en arrière. Quel intérêt de voir la Beauté à l'état brut si l'on est le seul à la voir?...

La mise en scène était simple, sans fioritures. Assez classique dans les décors et les costumes, mais avec un je-ne-sais-quoi qui transcendait le carton et le tissu pour faire corps avec la musique, pour s'accorder à l'oeuvre en une étrange et harmonieuse union. En un mot comme en cent, c'était bon, même pour une âme qui avait traversé les siècles et connu une bonne cinquantaine de versions de Papageno et de ses clochettes. Celle qui sautillait en cet instant d'un bout à l'autre de la scène lui plaisait particulièrement.

Signe évident de l'absence de déplaisir qu'il prenait à la répétition, Victor ne vit pas le temps passer, et il fut presque surpris lorsque les lumières revinrent baigner la vaste salle. Surpris comme le furent les artistes, qui découvraient soudain une autre silhouette loin derrière celle de leur metteur en scène. Un sourire indulgent vint s'afficher sur les lèvres du Passeur, qui leva les mains à hauteur d'épaules pour applaudir d'un geste lent et régulier. Clap, clap, clap, clap...


"Merveilleux. Absolument merveilleux."

L'étincelle de contentement qui habitait son regard démentait son ton volontairement calme, presque neutre. Il balaya la scène du regard, curieux de vérifier si aucun des êtres qu'il avait devant lui n'était un Passeur. Tamina croisa son regard et étouffa un petit "oh!" avant de chuchoter vivement quelque chose à Papagena, sur sa gauche. Victor retint un sourire plus moqueur: les visages célèbres n'étaient pas toujours les plus agréables à porter. Le bruit que le Ministre était dans la salle continua à se répandre parmis les artistes, puis la rumeur remonta le courant vers les coulisses tandis que les chanteurs échangeaient des coups d'oeil indécis.

Les yeux du Passeur tombèrent sur la chevelure immaculé de Tamino et s'y arrêtèrent, tandis que leur éclat était soudain assombri par la concentration. Cet être aux faux airs d'albinos... Il y avait de la magie dans ce visage juvénile, Victor la sentait émaner de la fine silhouette en longus volutes paresseuses. Apparemment, le délicat petit prince avait un autre don que celui dont il avait fait preuve de manière éclatante tout au long de la représentation. Intéressant.


"J'ose espérer que vous m'inviterez officiellement à la première. Je me délecte d'avance de pouvoir goûter une nouvelle fois à pareil spectacle."
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Jeu 20 Juil - 22:18

Certes, Mozart était un génie, mais également un franc-maçon qui avait inclus dans son oeuvre des symboles et des rites de cette organisation secrète. Rosario s'était toujours demandé ce que pouvaient bien faire les membres de cette communauté, mais impossible de savoir tant que l'on n'en faisait pas partie. En fait, le jouvenceau ne savait pas ce que signifiait le sentiment d'appartenance. Mis à part avec sa mère et Arsenic, le garçon n'avait de lien avec personne. Oh, il s'entendait bien avec quelques collègues, mais rien de transcendant. C'était peut-être pour cette raison qu'il n'avait reconnu l'identité de leur mystérieux spectateur. Pour le moins étonné lorsqu'il apprit qui était leur interlocuteur, il se mit à le détailler plus sérieusement. Dieu, cet homme n'était-il point excessivement jeune pour être ministre? Normalement, ils étaient plutôt des hommes mûrs voire de vieux croutons. Oh, certes, il avait la class, l'allure, l'air sûr et calme... mais il n'avait pas même l'air d'avoir 30 ans. Et puis il était trop beau.

Si notre jeune magicien avait été un peu plus au fait des diverses organisations qui régnaient dans l'ombre de son beau pays, il aurait peut-être fait un lien entre le ministre et la Camorra ou l'Etoile: l'illustre dirigeant puait littéralement la magie (façon de parler, car si elle avait eu une odeur, ç'aurait été celle d'un ennivrant parfum pour quelqu'un qui lui consacrait son existence). Néanmoins, le damoiseau n'approfondit pas la question, malgré la curiosité qui le tenaillait: le visiteur venait de le flatter. Oh, indirectement, certes, mais quand on vante les mérites d'un spectacle dans lequel on a l'un des rôles principaux, on est en droit de penser que l'on est plutôt bon... non? Un sourire illumina le visage androgyne, tandis que Mr. Durrenach s'empressait de donner une réponse positive à leur éminent invité. Le ministre en personne serait présent pour la première fois où il incarnerait un personnage primordial! Quel coup de pub ça leur ferait!

C'est alors que Pamina et Papagena se rapprochèrent de Victor et commencèrent à minauder, sous prétexte de savoir comment il les avait trouvé, et qu'est-ce qu'il pensait de telle scène, et quel était son personnage préféré...? Elles furent rejointes par Papageno et Monostatos, tandis que Sarastro, la Reine de la Nuit et les personnages secondaires rejoignaient leur geôle. Tamino quant à lui était perdu: tiraillé par son désir d'en apprendre plus sur cet être qui irradiait la magie, il savait que de toute façon il avait peu de chance d'apprendre quoi que ce soit, d'autant plus avec les groupies et autres qui espéraient sans doute que Mr le Ministre fasse leur promotion ou les invite à un dîner aux chandelles... Dépîté, il allait regagner les coulisses lorsque...
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Ven 21 Juil - 18:54

A peine Victor s'était-il levé pour s'extraire de sa rangée de sièges qu'une silhouette enthousiaste venait se pendre au bout de son bras droit. Durrenach, bien évidemment. Le Ministre le considéra tout d'abord d'un air surpris, puis avec une certaine bienveillance qui aurait été plus à sa place sur les traits d'un vieillard. L'énergique poignée de main du metteur en scène n'avait rien d'une inconséquente flatterie. Au contraire, l'individu restait fidèle à lui-même, et dans ses remerciements on ne devinait que la joie presque enfantine de l'artiste qui voit son travail reconnu et promu dans les hautes sphères. Victor assura l'homme de ses meilleurs sentiments, en oubliant presque que dans sa "grande bonté" il venait de se faire offrir une place de choix pour assister à un spectacle qu'il était certain d'apprécier. Bah, il trouverait bien un moyen pour rembourser le prix du billet, sans doute avec une commission supplémentaire: Victor appartenait à cette race de mécènes qui se sentent flattés par leur propre générosité.

Mais rapidement, le Passeur dut redescendre de son petit nuage auréolé de doré: son quotidien de politicien le rattrapait au cours d'un assaut en règle. En moins de temps qu'il n'en faut pour dire "monsieur le Ministre", Victor se retrouva encerclé par quatre comédiens, sans oublier deux musiciens qui s'extrayaient vivement de leur fosse pour venir les rejoindre. L'air bonhomme disparut du visage faussement jeune, et même si le magicien conservait tout le tact et la bonne tenue indispensable à sa condition, il était perceptible qu'il se contentait à présent de jouer son rôle, sans grande conviction. Il jeta un autre coup d'oeil à Tamino, mais celui-ci ne s'était pas décidé à descendre de la scène. Même si le regard songeur qu'il posait sur le Passeur trahissait son intérêt pour ce dernier.


"Je me nomme Esmal Averez, monsieur le Ministre, peut-être vous souvenez-vous, j'ai joué..."

"... un grand honneur, vraiment. J'ai voté pour vous aux dernières...

"Vous auriez dû nous prévenir, j'aurais été encore meilleure vous savez!"

"Et les Contes d'Hoffmann? Vous m'avez vue dans les Contes d'Hoffmann? Non? Oh, je me ferai un plaisir de..."

Et blablabla, et blablabla, et blablabla... Victor accueillait les pauvres anecdotes avec des "vraiment?" et des "voyez-vous cela..." de circonstance, cultivant avec soin sa réputation de charmeur poli. Il ne fit même pas attention au léger clin d'oeil qu'il accorda à Pamina, qui devint soudainement rouge brique. Intérieurement, le Passeur ricanait d'une manière autrement moins respectueuse: tous ces êtres talentueux qui l'entouraient n'étaient-ils donc pas conscients que leur empressement et leur ambition les traînaient dans la boue, eux et leur don? Quel plaisir trouvaient-ils donc à se vautrer de la sorte dans la fange surpeuplée de la flatterie mondaine? Voilà bien une énigme dont même dix-neuf siècles de réflexion n'étaient pas venu à bout.

"Quel est votre personnage favori, monsieur le Ministre?"

Victor posa un regard soudain un peu plus vif sur Papageno, retournant mentalement la question. Aurait-il été honnête, il aurait répondu au comédien que c'était le sien. Il avait toujours aimé les lâches qui devenaient courageux plus ou moins sous la contrainte, et puis il adorait les plumes multicolores qui agrémentaient la plupart des costumes de Papageno. Mais en l'occurence, il y avait peut-être une réponse plus intelligente à formuler... Les iris noisette glissèrent vers la scène pour découvrir que l'éthéré Tamino quittait l'estrade, et Victor répondit d'une voix un tantinet trop forte:

"Nombreux sont les personnages qui me fascinent dans cet opéra, mais je pense avoir un faible pour le charmant jeune prince."

Les rumeurs promotionnelles s'arrêtèrent soudain autour du Ministre et les visages se tournèrent vivement vers le chanteur qui avait su s'attirer l'attention du politicien sans même la désirer. Victor nota du coin de l'oeil la bouderie jalouse qui s'afficha sur les jolis traits de Pamina, et il ne put s'empêcher de se pencher vers la jeune femme pour lui murmurer:

"Nous rediscuterons de tout cela le soir de la première, ma chère. Je compte sur vous."

Aurait-il allumé un projecteur au-dessus de la comédienne qu'elle n'en aurait pas été plus rayonnante. Victor lui adressa un sourire soigneusement étudié, avant de serrer les mains qu'il pouvait attraper et de prendre congé, non sans s'assurer par un dernier coup d'oeil que le chanteur adepte de la magie était toujours figé sur scène. Sans laisser le temps à ses groupies de lui emboîter le pas (ils le poursuivaient tous sauf Pamina, toujours plantée au même endroit, un air béat affiché sur son visage), le Passeur sortit de la petite salle et plongea sur sa droite, vers l'entrée des artistes. Son visage et son nom firent à nouveau office de laisser-passer, et il ne tarda pas à pénétrer dans les coulisses. Toujours à la même allure soutenue, il gagna le secteur des loges, et renseignements pris, il finit par dénicher celle de Tamino - qui s'avérait se nommer en réalité Rosario Lunargent.

Victor s'assura que personne ne le voyait, avant de toquer et d'actionner la clenche dans la foulée. La loge était ouverte, mais déserte: apparemment, le petit numéro du Ministre avait réussi à suffisamment retarder le comédien. Sans gêne, le Passeur entra dans la pièce et referma derrière-lui, avant de se laisser tomber d'un air nonchalant dans celui des deux fauteuils qui n'était pas trop encombré de diverses pièces de costume. Le Ministre croisa bras et jambes avant de renverser la tête en arrière, impatient de découvrir si le jeune comédien avait déjà assez développé son don pour démasquer le magicien expérimenté qu'était son aîné.
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Jeu 10 Aoû - 3:28

Cour volage d'un ministre mystérieux auréolé de courtisans comme Papageno est environné de plumes, chatoiement de couleurs éphémères dans l'atmosphère curieuse d'une salle d'opéra, lieu perdu hors du temps et du monde avant que l'éminent dirigeant vienne y exhiber sa souveraine présence, rappelant au damoiseau que les humains sont cupides, et toujours à la recherche de gloire, de pouvoir... Regardez là, cette cantatrice... Fragile, innocente, amoureuse il y a si peu de temps, tendre et touchante Pamina devenue femme intéressée et voluptueuse. Que tout cela était pathétique et grotesque. Et lui l'était en premier: non mais qu'est-ce qu'il faisait là, planté comme un piquet, sombre crétin savourant les lauriers de sa gloire après la flatterie d'un personnage important. Etait-il donc comme eux? Non, c'était impossible, il ne vivait que par l'Art, pour l'Art, il ne serait pas laissé aller à s'avilir à ce jeu établi tacitement où les ménestrels charment les plus grands pour obtenir sécurité et confort, tels des mécènes prenant sous leur aile les individus inspirés par les Muses.

D'ailleurs il n'avait que trop tardé, il aurait dû retourner dans sa loge en même temps que la reine de la nuit et ses collègues plus sages. "Euterpe, attend-moi, divine créature qui entretient le brasier de ma passion pour la musique, j'arrive! Pardonne-moi cet écart, je n'ai que trop tardé à venir te remercier..." Et voici Rosario en train de se diriger prestement vers la pièce qui lui était assignée afin de se préparer tranquillement avant répétitions et spectacles. Oh, comme il détestait se sentir si commun aux autres lorsqu'il s'agissait de trouver quelque contentement, la moindre satisfaction dans l'admiration que nous porte autrui. Il était vulnérable aux atteintes de l'autre monde, ce n'était pas bon... non, pas du tout. Il fallait qu'il s'élève au-dessus de ces considérations bassement matérielles et futiles... C'était la Réalité, oui, cette horreur aux griffes immondes qui cherchait à l'attraper dans sa course effrenée, qui ne supportait pas qu'il se joue d'elle et de son étreinte de ténèbres et de cauchemars...


*Je veux la lune... Mais pourquoi ne puis-je l'avoir? Pourquoi ne veut-elle point de moi?*

Oui, pourquoi... elle le narguait, ô la vilaine, avec ses rayons d'argent charmeurs glissant sur sa peau pâle sans arrêter son parcours là-haut, dans l'azur... Mais il ne la comprenait que trop bien: comment vouloir descendre sur cette terre peuplée d'individus aux agissements plus noirs que leur âmes, regorgeant de traîtres, de fourbes, d'hypocrites... Mais lui il ne pouvait pas la rejoindre cette magnifique dame, seule dans la nuit comme il était seul dans la vie. C'était si bête: il aurait suffi qu'elle accepte de venir se glisser dans sa chambre, en secret... il lui aurait murmuré combien elle était belle et fascinante, il l'aurait fait rougir, allant jusqu'à lui donner des teintes de soleil. Mais non, il était condamné, devant se contenter de la contempler, de loin, petit point noir parmi tant d'autres, qui ne représentait rien. Stressé, il faillit dépasser la porte de sa loge sans s'en apercevoir, et entra vivement. Ce n'est qu'un ou deux pas après le seuil qu'il remarqua qu'il n'était pas tout à fait seul. Faisant un bond, il chuta au sol puis s'écria:

"Ah!!! Mais qu'est-ce que vous faîtes là?!!!"

Ou comment les névroses et obsessions nous aliénient et transforment notre perception du monde: le jeune magicien n'avait pas même senti la moindre effluve de magie, ou du moins il ne s'en était pas soucié. Les yeux écarquillés, il ressemblait à un extrarrestre qui aurait déboulé sur terre et demandait des comptes aux habitants qui se trouvaient là des lustres avant lui sur le fait de leur présence. Quoique qui était l'extrarrestre et l'humain dans cette histoire?
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Dim 13 Aoû - 23:01

Victor, lui, n'était absorbé dans aucune réflexion digne d'être qualifiée de sérieuse. Il laissait son âme désabusée voleter d'un sujet à l'autre, papillon frivole dans un champ abondamment fleuri. L'insecte effleura une colchique empoisonnée en avance sur l'automne, et le Passeur pensa fugitivement aux altercations de plus en plus régulières entre membres de l'Etoile et limiers de l'Inquisition. Le papillon se détourna vivement de ce désagréable calice pour aller s'intéresser à un charmant coquelicot, aussi voluptueusement coloré qu'éphémère. La cantatrice qui jouait Pamina était plus que mignonne, oui, tout à fait au goût de Victor. Si elle ne voulait pas partager la couche du Ministre, il pourrait toujours passer une agréable soirée en sa compagnie. Une invitation au Sothis faisait toujours bonne impression. Tiens, un trèfle disgrâcieux. C'était vrai, il avait (encore) oublié de prévenir ses gardes du corps du lieu où il se rendait. Son secrétaire allait hurler. Jolie marguerite. Cela serait plutôt comique de voir le petit bonhomme s'exciter contre l'imprudence de son Ministre, ce serait même tout à fait délectable.

Victor en était à se demander s'il oserait offrir un nez rouge au secrétaire en question, lorsque la belle-de-nuit qu'il convointait depuis le début de la soirée pénétra dans la petite loge. Satisfait de voir le jeune ténor seul, le Passeur afficha un sourire avenant tout en levant la main droite, histoire de faire un petit coucou au propriétaire des lieux. Propriétaire qui réagit si soudainement et si violemment que Victor en tressaillit dans son fauteuil - pas grand chose en comparaison du charmant chanteur qui venait de joyeusement s'étaler sur le parquet. Le Ministre resta un instant incrédule devant ce tableau, avant de laisser échapper un rire éminemment sympathique:


"Juste Ciel, si j'avais su!... De grâce mon jeune ami, ne hurlez pas, je suis ici incognito! Voulez-vous me jeter à nouveau en pâture à cette bande de vautours?!"

Cette manière de s'exprimer prenait une sonorité toute particulière lorsqu'elle émanait d'une personne à l'apparence aussi jeune, mais Victor ne semblait même pas en avoir conscience. Il se leva de son fauteuil et passa sans sourciller à côté de Rosélio pour jeter un regard faussement inquiet dans le couloir. Puis il pivota sur ses talons et saisit le chanteur sous les aisselles, avant de le remettre debout. Il referma la porte d'un geste du pied, avec une attitude qui était bien plus celle d'un grand gamin un peu indiscipliné que celle du Ministre de la cité.

"Enfin, seuls! Oh, ne me regardez pas comme ça, je ne vais pas vous manger. Désolé de m'imposer de la sorte, mais je tenais à m'entretenir avec vous en privé. Vous pouvez vous démaquiller, ne vous préoccupez pas de moi."

Il fit un clin d'oeil au jeune chanteur avant de retourner s'asseoir dans "son" fauteuil. Il croisa les jambes et joignit le bout de ses doigts, tandis que son expression de joie un peu factice laissait la place à une considération plus sincère. Pour être exact, le regard rieur de Victor s'assombrit d'une telle manière qu'on aurait pu avoir affaire à une toute autre personne. Ce qui n'était pas si faux: le politicien avait cédé la place au Passeur, et c'était l'être de magie qui jaugeait à présent ce charmant enfant lunaire.

"Je me nomme Victor Moreau, comme vous le savez sans doute déjà. Et je pense que nous avons de quoi causer vous et moi. Vous m'intéressez beaucoup, monsieur Lunargent, et j'ose espérer que vous savez pourquoi..."
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Lun 14 Aoû - 2:58

Le coeur battant la chamade, tremblant légèrement sous l'effet du stress tandis que les nervures bleutées de ses veines charriaient à une allure folle ce sang qui dansait follement à cause de la peur, Rosario se laissa relever telle une marionette. S'apaisant d'abord en voyant l'air aimable du ministre et son côté nonchalant, il commençait tout juste à retrouver un semblant d'assurance, à peine une esquisse d'une silhouette qui se raffermit sur ses jambes que le regard de son interlocuteur changea du tout au tout. Déglutissant péniblement, le chanteur se sentait pris au piège qui se refermait sur lui, fasciné et terrorisé par ce regard de vautour qui vient de capturer une souris. Il aurait dû s'enfuir à toute jambe, ne pas rester une minute de plus à moins de plusieurs bonnes centaines de mètres de cet être qui recelait plus de magie que n'importe lequel des humains que le mage avait pu rencontré... C'était inimaginable, c'était trop puissant, trop... grandiose. Mais la magie n'est pas un jouet, c'est quelque chose de merveilleux et indéfinissable, et il faut s'aventurer avec précaution dans ce domaine. Pourquoi cet homme _si l'on pouvait encore appeler ça un homme_ était-il si imprégné de ses effluves qu'il paraissait être un bout même de l'Etrange?

Et tandis que le doute fondait sur le malheureux musicien, se creusant une brèche dans sa chair pâle, sinueux serpent se lovant dans son esprit paranoïaque, ravivant ses craintes du monde extérieur, monsieur Moreau attendait sa réponse. Instant apesanti d'une coupole de méfiance comme entre deux chiens de faïence, air vicié par les relations pourries qu'exhalait ce fruit si cruellement faux qu'est la société sous ses apparences et son vernis doré, rongé par le ver tenace des péchés inhérents à l'humanité et drapant de soleil les crimes les plus abominables afin de les transformer en actes honorables. Petit univers fermé dans lequel évoluaient toujours les mêmes personnalités... Inquisition, Etoile, Camorra... que tout cela était grotesque, tellement puéril, les puissances n'avaient-elles donc rien de mieux à faire que jouer avec les mentalités comme les pièces d'un échiquier? Et tandis que les murailles immuables, désespérément dressées empêchait les consciences de voir clair dans la fange où elles étaient retenues, enfermés, se heurtant à leurs propres barrières d'un conditionnement si pathétique, Rosario fuyait. Il fuyait quoi, il fuyait où, cela restait à déterminer, mais l'orée de ce qui lui avait été révélé lui donnait l'affreuse, l'atroce envie de déverser ce que sa mémoire avait pu observer de ce flot d'immondice, d'hypocrisie qui circulait entre tout un chacun. Il se sentait prisonnier de sa chair si fragile, de son humanité, de cette possibilité de crever comme un rat, comme sa mère, sans personne pour s'apercevoir de sa disparition, de son absence, pas plus qu'une plainte presque inaudible d'un cygne qui se meurt et offre au monde son dernier chant d'animal blessé, celle d'un nourrisson qui expire, celle d'un naufragé qui finit par laisser les abysses glacées l'engloutir, sans bruit, sans remous, noyant sa peur avec son corps bleui par le froid des caresses de l'onde. Se fondre dans la terre, dans l'univers, tel un soupir parfumé d'une fleur qui s'éveille à l'aurore d'un jour nouveau parée d'une rivière de goutelettes, cristal transparent de pureté, s'évaporer dans l'air embaumé, être assimilé à la nature ou que sais-je encore...

Il aurait dû en pleurer, de sa solitude auréolée de douleur, de sa voix qui brisait toujours le même silence tandis que les autres voltigeaient, insectes éphémères, autour des gens de pouvoir qui n'avaient plus assez d'espace quand lui n'en avait peut-être que trop... Comment faisaient-ils pour ne pas étouffer sous l'aura de leurs courtisans fardés de misères, qui vrombissaient toujours les mêmes compliments, les mêmes flatteries à l'oreille enfouie sous ce flot de venin aux airs de mélodie de sirènes, si prompts à jeter les souverains à bas de leurs trônes, encore plus vite qu'ils ne les avaient louangé une fois à leur apogée. Plaisanteries, rires, cet espace restreint que délimitaient les coulisses lui était agréable, mais toujours il devait revenir à ce vide absolu de la maison maternelle, revoir ces lieux où sa mère avait laissé un sillon imperceptible auréolé des larmes versées par le fils devenu orphelin, imprégnés de sa présence féminine, délicate, tendre, de cette personnalité créative qui avait si fortement laissé son empreinte et modelé son enfant à son image. Mais ces volutes de ténèbres percées d'étoiles de tristesse lui paraissaient encore préférables aux yeux de Victor plantés dans les siens, comme s'il avait cherché à transpercer l'apparence exhibée et venir examiner ce que le damoiseau était, réellement, ce qu'il renfermait...


"Et j'ose espérer que je ne me trompe pas lorsque je songe à la Magie? Un ministre n'a que faire d'un chanteur, mais un magicien doit bien éprouver quelque curiosité face à un confrère. La question est: pourquoi quelqu'un de votre puissance s'intéresse-t-il à un novice?"

Autant jouer cartes sur tables comme c'était parti. Le chanteur avait beau être impressioné, aucun des deux personnages présents dans cette pièce n'était dupe de l'autre, et tous les deux devaient avoir largement leur compte de comédies plus ou moins réussies par jour. S'avançant vers la table où étaient disposées ses affaires de toilette, il entreprit de défaire son maquillage, comme le lui avait autorisé son visiteur impromptu. Et peu à peu les teintes artificielles s'en allaient sur le coton, laissant apparaître le véritable visage de Rosario
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Mer 16 Aoû - 19:31

Patience, patience. Face à Rosario qui semblait tourner en rond dans son propre esprit avec la folie aveugle d'une souris acculée, Victor restait de marbre, en bon gros chat à l'aguet. Il attendrait le temps qu'il faudrait, mais il aurait sa réponse. Jamais il n'avait résolu lui-même un problème qu'il soumettait à une tierce personne - quelle utilité de poser les questions si on détenait les réponses? Voilà bien un aspect de la réthorique politicienne qui poussait le "jeune" Ministre à se cabrer d'horreur. Tout de même, il y avait plus subtil que "qu'est-ce que cela veut dire? Eh bien cela veut dire que..."

Ah, les politiciens... Drapés dans leur sainte mission de sauvegarde de la Patrie, ils se croyaient intouchables et dévoyaient leurs privilèges avec l'irrespect le plus profond, n'hésitant jamais à maculer de boue, de bave et de foutre cette cape nommée Liberté qu'ils auraient dû défendre au prix de leur vie. Victor avait décidé qu'il leur était supérieur - et peut-être n'avait-il pas tout à fait tort: quel autre haut dignitaire d'Ewigkeit pouvait se vanter d'avoir vécu près de trois milles ans sur cette malheureuse planète? Oui, il était Passeur, il pouvait aussi être "elle", il pouvait être "tous". Changer de corps était une expérience bouleversante, pas toujours très agréable, mais elle avait au moins le mérite d'emmener l'âme plus loin, tellement plus loin...

La délicate voix du damoiseau ramena Victor à la réalité, et le Passeur sourit de plus belle. Il laissa Rosario parler à son rythme, en se contentant de le fixer. De le dévorer du regard. Que ce parfum de jeune magicien était exaltant... Les effluves que le Ministre devinait sur ce corps juvénile le faisaient presque saliver tant ils étaient délectables. Rosario avait le don, c'était plus que certain, et Victor l'enviait pour cela. Il s'avouait volontiers jaloux de cette parfaite harmonie entre l'aura du jouvenceau et cette étrange, stellaire apparence indirectement façonnée par l'Etrange. Et ce ne fut pas le démaquillage du jeune ténor qui détrompa le Passeur: une fois débarassée du fard qui n'était là que pour empêcher une indésirable brillance, la peau de Rosario était toujours du même blanc soigné, ses cheveux possédaient toujours cette teinte lunaire si indescriptible. Victor frissonna de tout son être dans son fauteuil, et il se félicita grandement d'avoir eu l'idée de venir à l'Opéra, ce soir-là.


"Peut-être que lorsqu'un novice s'avère capable de déceler le maître derrière son masque, le maître ne peut que prêter quelque attention au novice..."

Le Passeur resta un instant silencieux, avant de se lever sans hâte et de s'approcher du jeune chanteur qui faisait toujours face au miroir. Victor déposa l'une de ses mains aux doigts dépourvus de bague sur l'épaule du damoiseau pour le dissuader de se retourner, et tout en fixant le regard éthéré par le biais de la glace, il porta la main à son cou pour y saisir un lacet de cuir soigneusement dissimulé sous le col de sa chemise. Il passa la lanière par-dessus sa tête et dévoilà le pendentif qu'il portait à même la peau. Un fragment de miroir, un petit losange encastré dans un support hors du temps. Un morceau de verre qui ne portait pas la moindre trace de rayure ou de saleté, et qui n'en porterait jamais. Le sourire de Victor se fit un tantinet nostalgique tandis qu'il se penchait au-dessus de l'épaule du jeune Lunargent afin de faire danser devant ses yeux l'étrange bijou.

"Ce miroir a renvoyé plus que d'innocents reflets. Il s'est construit une âme, au même titre que vous ou moi. Il est assez timide avec les inconnus, mais à vous, je pense qu'il acceptera de montrer quelque chose. Je suis curieux de savoir quoi. J'espère que vous aurez l'obligeance de me le dire avant que nos confessions de mages ne progressent vers un terrain plus confidentiel."

Victor ne fit nullement mine de remettre le pendentif à Rosario. Sa propre âme avait ricoché sur ce fragment réfléchissant, et il s'était promis que celui qui hériterait de ce bijou aurait dû l'arracher à ses doigts glacés par la mort. Ce qui ne l'empêchait pas d'être sincèrement intéressé par ce que l'enfant lunaire décélerait en lui par le truchement de ce précieux artefact.
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Mer 16 Aoû - 21:00

Rosario se sentait comme un danseur qui réalise un ballet au bord de l'abîme, comme un funambule au-dessus de l'abysse où l''attendaient dieu sait quels démons... Cette main sur son épaule l'emprisonnait bien plus sûrement qu'aucune cage de fer, et ce morceau de miroir _si c'en était vraiment un?_ l'hypnotisait bien plus efficacement qu'un pendule. Non seulement le ministre était proche de lui physiquement, mais il lui offrait l'occasion de voir un objet sûrement cher à son coeur pour ainsi le garder caché et ne pas même rompre un seul instant le contact avec ce cordon de cuir... Comme il aurait aimé qu'on lui arrache les yeux en cet instant avant de faire une regrettable erreur, pour pouvoir refuser l'offre complètement folle de cet être si jeune, si charmant en apparence, mais dont l'aura puissante le poussait à se réfugier dans ses derniers retranchements. Cet homme tellement beau et terrible, faisant naître une peur totalement irrationnelle dans le sein juvénil qui n'avait jamais connu nul amour, nulle tendresse, tellement enfant. Comme il aurait été facile de le briser et de ramasser les petits éclats de ce cristal éclaté, de les accrocher à des petits cordons de cuir puis de les balancer au nez d'un inconnu en attendant de voir s'ils chanteraient leur désespoir, leur malheur, leur douleur, s'ils seraient le reflet de ses pleurs...

Mais Rosario n'était pas un être raisonnable, et il sentait, intimement, que Victor ne devait pas souvent dévoiler son curieux pendentif. Et il contempla le bijou, il s'y perdit, sombrant dans ce lieu indéfinissable, emporté telle une plume dans le tourbillon de la tourmente. L'espace est mêlé à un autre espace, le temps à un autre temps tandis que les yeux éthérés du magicien sont devenus aveugles, toujours ouverts, mais sur un autre monde qu'on lui impose, un monde qui tente de supplanter le sien. Un univers de chaos, Âme suprême de tant de petites âmes, symbiose, union totalement démente, inconcevable de tant d'entités différentes. Sont-elles en paix, en guerre? Chantent-elles en tournoyant dans une gracieuse et aérienne chorégraphie ou hurlent-elles à la manière de bêtes désespérées sous l'astre nocturne qui les contemple, silencieux, trop catastrophé pour prononcer un mot, le visage pris dans une fixité dérangeante tandis qu'il n'arrive plus à se libérer de ce spectacle qui dépasse tout entendement.

Puis le chanteur se met à trembler, de tout son corps, de toute son âme. Il voudrait hurler, arracher son cerveau pour ne plus se rappeler de ce souvenir qui le hantera jusqu'à la fin de ses jours, ne plus sentir cette horreur qui fleurit le long de son corps à la pureté viriginale, ces baisers empoisonnés du cyclone de mort et de vie qui l'a emporté pendant un moment, une éternité, dans son tournoiement macabre. Il voudrait, il devrait pleurer, réagir, mais submergé par le pouvoir de l'artefact, il se retrouve mué en une statue de marbre. Il devient comme atone, ses sens atrophiés, il se sent si vide, si seul, si ridicule dans ce corps frêle de jouvenceau... si fragile.
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MessageSujet: Re: Répétition   Répétition Iconminipostedch0Mer 16 Aoû - 22:51

Le Don. Victor ne l'avait jamais eu, et chaque fragment supplémentaire de pouvoir qu'il avait acquis avait été un lambeau de viande arraché à la carcasse fabuleuse que ses pairs plus avantagés pillaient sans jamais penser à lui. Il s'était battu bec et ongles pour rattraper son retard, se faire une place parmis les dominants, et finalement les dépasser. Et toute l'étourdissante aura qu'il y avait gagnée ne parvenait pas à la cheville de ce qu'il sentait à travers la paume délicatement posée sur l'épaule de Rosario.

Ce garçon n'avait pas plus de pouvoirs que les autres. Mais sa foi... sa croyance aveugle dans sa propre magie était telle qu'elle rayonnait soudain dans toute sa terrifiante splendeur à travers le pendentif du Passeur, qu'elle se propageait dans la loge et oppressait Victor comme un parfum si divinement suave qu'il en devient mortellement étouffant. Le Ministre perçut l'accélération de sa respiration et de ses battements de coeur, il sentit la sueur faire soudain son apparition sur ses tempes et dans sa nuque. Il n'avait pas peur, mais il était impressionné: une telle réceptivité...

Victor sursauta comme un homme qui sent venir un cauchemar alors qu'il est encore à moitié éveillé. Un tel Don était dangereux si on le stimulait sans précautions, et malgré son exaltation, le Passeur ne pouvait en aucun cas se résoudre à faire du tort au fascinant jouvenceau. Sa main droit, pesante comme si elle était faite de plomb, quitta l'épaule tremblante du jeune chanteur pour aller avec efforts se poser sur ses yeux écarquillés, et Victor sentit le corps encore adolescent se cambrer contre lui sous le choc de la rupture. Le Passeur serra les dents et força son bras à ramener le miroir à lui, à le faire glisser à nouveau autour de son cou, à l'ensevelir sous le tissu blanc de sa chemise. L'artefact luttait pour renouer la communication avec cette âme d'enfant qu'on lui offrait sur un plateau et il brûla la peau de celui qui avait osé l'interrompre, mais Victor tint bon. Dans l'instant, il s'inquiétait trop pour sentir la douleur.

Ses doigts toujours fermement plaqués sur les yeux du ténor, il s'approcha assez pour passer son bras sous les aisselles de Rosario et l'attirer contre lui, dans le vague espoir d'absorber un peu de cette déferlante de puissance occulte qui paralysait le jeune corps comme une longue et terrible décharge électrique. Victor incita lentement le pâle damoiseau à incliner la tête en arrière, afin de s'appuyer sur l'épaule de son aîné pour mieux respirer. La main qui bandait les yeux clairs osa enfin quitter son poste, et elle passa doucement dans la délicate chevelure d'ange.


"Chut, calme-toi... Reviens dans le monde réel mon enfant, reviens avant de te perdre plus profondément dans ces abysses qui ne te sont pas destinés. Le miroir n'est plus là. Cela ne se reproduira pas, je te le promets."

Victor parlait avec une voix qu'il ne se connaissait pas, un ton calme et apaisant qui lui venait sans doute de ses lointaines expériences parentales. Plus surprenant, il se sentait sincèrement désolé d'avoir exposé le brillant chanteur à une telle puissance, et ce sentiment étrange de regret le vexa autant qu'il le rassura. Il y avait peut-être encore un peu d'humain en lui, après tout.
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